Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'"Affaire Omar Raddad".
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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Chroniques de prétoire

"Histoires drôles et moins drôles" de Michèle Bernard-Requin aux éditions « Les carnets de l'info ».
Durant plus de quarante années, l'auteur a vécu dans les palais de justice où elle a exercé successivement les fonctions de défenseur en qualité d'avocat au barreau de Paris , d'accusateur comme substitut du procureur à Rouen, Nanterre et Paris et avocat général à Fort de France, et de juge comme président de chambre correctionnelle à Paris puis de cour d'assises à Paris, Bobigny, Créteil et Melun.

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Elle ne m'en voudra pas de reproduire un passage de son livre qui évoque le cas Omar Raddad au paragraphe 5 « La vérité judiciaire ».

Qu'est-ce que la vérité judiciaire ? C'est celle qui ressort de l'enquête et des débats, celle qui, en définitive, va se trouver inscrite, au terme des audiences, après d'interminables plaidoyers (ceux de la défense comme ceux des parties civiles et de l'accusation), par la décision des juges. C'est cette décision, d'innocence ou de culpabilité, qui va cristalliser une vérité : la vérité judiciaire.
Celle-ci n'est pas pour autant inscrite dans le marbre : heureusement pour le capitaine Dreyfus... mais elle va devenir, définitivement, sauf révision (rare, l'affaire Dreyfus, précisément, constitue une illustration de la difficulté éprouvée par la justice, qui mit de très longues années à reconnaître son erreur), la vérité des juges, et... celle du peuple français au nom duquel elle est rendue. Là se situe le paradoxe.
Aujourd'hui, il est devenu normal de contester la vérité judiciaire. Je vais faire hurler les Gilles Perrault et autres journalistes et académiciens autoproclamés enquêteurs ! Sous couvert du calvaire subi par le malheureux capitaine Dreyfus, victime de manœuvres honteuses d'une justice militaire dévoyée, certains criminels définitivement condamnés se trouvent proclamés innocents par l'opinion publique elle-même convaincue par quelques écrivains et journalistes, et ce, en opposition à la vérité judiciaire. Guillaume Seznec, Christian Ranucci, Omar Raddad en constituent quelques exemples parmi tant d'autres.
Il est intéressant de constater que le public est absolument persuadé non seulement du fait qu'ils sont innocents et furent tous victimes au départ d'erreurs judiciaires, mais également (à l'exception de Christian Ranucci, dont chacun sait qu'il fut condamné à mort et exécuté) que la justice les a finalement acquittés et a reconnu son erreur... Alors qu'en réalité, Omar Raddad et Guillaume Seznec furent et sont toujours aujourd'hui définitivement condamnés. Ils bénéficient d'une grâce, ce qui juridiquement est tout à fait différent.
La justice des hommes n'est pas infaillible. La place de l'aveu, qui ne constitue cependant qu'un élément de preuve parmi d'autres, reste déterminante. Ce que j'ai voulu illustrer, ou plus exactement ce que certaines affaires m'ont révélé et que j'ai retenu dans quelques anecdotes, c'est cette difficile et parfois impossible conciliation entre le respect absolu des droits de la défense et la loyauté du débat judiciaire.
L'accusé en France a le droit de mentir, il ne prête pas serment avant de s'exprimer devant ses juges. Son avocat est libre de choisir, en accord avec son client, n'importe quel système de défense. Mais jusqu'où peut-il aller ? « l'aveu » révèle bien comment, soudain, une vérité exprimée tardivement par un accusé peut provoquer l'écroulement de toute une défense patiemment construite. « N'est-ce pas Maître ? » souligne qu'elle est la frontière à ne pas franchir pour l'avocat, le témoignage manipulé qui, dans d'autres systèmes (aux États-Unis, par exemple), est parfaitement toléré. « Le contrat », enfin, illustre le fossé béant entre l'interprétation toute personnelle de ses droits exprimée par un prévenu et... la loi.

Les histoires authentiques rapportées par l'auteur sont « amusantes et tristes comme la vie » et racontent une drôle de justice. Les avocats, les procureurs, les juges s'y montrent dans leur majesté dérisoire, leurs invraisemblables maladresses, et leur comique involontaire. Mais l'essentiel est peut-être ailleurs. Au delà de l'éclat de rire ou de sourire de connivence, ces anecdotes révèlent la réalité de situations parfois préoccupantes. Par moments, une indignation se cache sous la dérision apparente et la dimension pédagogique demeure à l'évidence la préoccupation essentielle de l'auteur, qui tend, à travers ces petites tranches de vie, à montrer certains aspects de leur vraie justice à ses concitoyens.

Georges Cenci

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Frédéric Valandré Frédéric Valandré ·  09 septembre 2014, 12:05

Bonjour M. Cenci,

Merci de nous avoir fait partager cet extrait percutant de Mme Bernard-Requin. Dans un récent Hors Série de L'Express, on nous refait le coup de "l'enquête bâclée" pour l'affaire Omar Raddad :
http://www.relay.com/l-express-gran...
Décidément, les légendes se portent bien !
Bonne fin de journée,
Cordialement,
Frédéric Valandré.

Georges Cenci Georges Cenci ·  11 septembre 2014, 09:34

Bonjour Monsieur Valandré.
J'ai pris grand plaisir à parcourir les anectodes de cet ouvrage. Je ne pensais pas y lire une évocation du célèbre innocentissime. Il n'est pas étonnant que L'Express, comme pratiquement tous les médias, se gargarise encore et trompe ses lecteurs sur la prétendue enquête bâclée et à charge. Rien de nouveau donc. Ce ne sont que des journaleux qui reprenent, sans esprit critique et par méconnaissance du dossier et du procès, les fadaises de leurs prédécesseurs.
Vous avez raison, les légendes se portent bien ! Et les manipulations de l'opinion publique aussi.
Très cordialement
Georges Cenci

Frédéric Valandré Frédéric Valandré ·  14 septembre 2014, 18:08

Bonsoir M. Cenci,
vous vous souvenez de François Foucart qui, tout comme vous, avait publié un livre pour remettre les pendules à l'heure concernant l'affaire Omar Raddad (en 1998 aux éditions François-Xavier de Guibert) ? A l'automne (en novembre, semble-t-il), il va publier un nouvel ouvrage, souvenirs des procès qui l'ont particlulièrement marqué durant sa carrière : "Mes cours d'assises", aux éditions Via Romana.
Bonne fin de week-end !
Cordialement,
Frédéric Valandré.

Georges Cenci Georges Cenci ·  17 septembre 2014, 16:55

@ Monsieur Valandré

Merci de l'information.
Je me souviens effectivement de l'excellent ouvrage de François Foucart qui avait eu le courage d'aller à l'encontre des fadaises diffusées et écrites par ses confrères dont certains n'avaient de cesse, lors d'une émission à la télévision, de l'humilier.
Il avait eu extrêmement de difficultés à s'exprimer tant ses contradicteurs adeptes de la bien-pensance lui coupaient la parole. Déplorable comportement que j'ai toujours en mémoire.
Je lirai avec plaisir son nouvel ouvrage que je mettrai en ligne.
Cordialement
Georges Cenci

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