Omar l'a tuée

Vérité et manipulations d'opinions. Enfin une information contradictoire sur l'affaire Omar Raddad.
«En 1894 on condamnait un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d'être juif ; en 1994 on condamnait un jeune jardinier qui avait lâchement tué une femme âgée sans défense. En 1906 Alfred DREYFUS fut réhabilité alors que Omar RADDAD est un condamné définitif. Un était innocent, l'autre est coupable ». - Georges Cenci

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Arrêt de rejet des pourvois en cassation

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Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 9 mars 1995
N° de pourvoi: 94-82674
Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Le Gunehec, président
Rapporteur : M. Guilloux., conseiller apporteur
Avocat général : M. Le Foyer de Costil., avocat général
Avocats : M. Bouthors, la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez., avocat(s)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REJET des pourvois formés par :
- X... Omar, contre l’arrêt de la cour d’assises des Alpes-Maritimes, en date du 2 février 1994, qui l’a condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire, ainsi que contre l’arrêt en date du 4 février 1994 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 217, 231, 327 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
” en ce que, alors que l’accusé ne parle pas suffisamment la langue française et a été assisté d’un interprète pendant les débats, l’arrêt de renvoi n’a fait l’objet d’aucune traduction complète dans une langue qu’il comprend, ni au moment de sa notification, ni au moment de sa lecture au début des débats ; qu’une telle traduction, substantielle aux droits de la défense, doit impérativement avoir lieu, et que mention expresse doit en être faite dans la procédure, à défaut de quoi la Cour de Cassation ne peut exercer son contrôle et la formalité doit être réputée n’avoir pas été effectuée ; que la mention du procès-verbal des débats, selon laquelle l’interprète désigné au cours de ceux-ci a prêté son concours chaque fois que cela était nécessaire, ne peut suppléer l’absence de toute traduction complète de l’arrêt de renvoi ; que l’annulation de la condamnation doit s’ensuivre “ ;

Attendu qu’il ne résulte d’aucune mention du procès-verbal des débats, ni d’aucunes conclusions que l’accusé ait invoqué devant la cour d’assises une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales résultant, selon lui, du défaut de traduction de l’arrêt de renvoi lors de sa signification ou de sa lecture devant la cour d’assises ;
Qu’ainsi le moyen n’est pas recevable ;

Sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles 310, 316, 331, 332 du Code de procédure pénale :
” en ce que le président a donné acte aux parties de ce qu’elles renonçaient à l’audience des témoins Salem Y... et Fatima Z..., non comparants, et a lu à l’audience leurs dépositions faites à l’instruction ; ” alors que ces témoins n’étant pas comparants, la Cour, sur incident, avait statué par deux arrêts sur la nécessité de leur comparution, et délivré mandat d’amener à leur encontre ; que dès lors qu’un incident était né à propos de la comparution de ces témoins et que la Cour s’était prononcée sur la nécessité de les faire comparaître, seule la Cour avait le pouvoir de passer outre aux débats au cas où ces témoins n’étaient pas retrouvés ; qu’en prenant l’initiative d’interroger les parties à propos de la non-comparution des témoins, et de passer outre aux débats, le président a méconnu l’autorité de chose jugée attachée aux arrêts rendus par la Cour, et excédé ses pouvoirs en empiétant sur ceux de la Cour “ ;

Attendu que les témoins Fatima Z... et Salem Y..., dont la Cour avait ordonné la comparution forcée en raison de leur absence à l’appel de leur nom, n’ayant pu être retrouvés, le président, après avoir constaté l’accord des parties pour renoncer à leur audition, a déclaré qu’il serait passé outre aux débats ;
Attendu qu’aucun incident contentieux n’ayant pris naissance, le président était compétent pour décider comme il l’a fait ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le septième moyen de cassation pris de la violation des articles 310 et 347 du Code de procédure pénale, des articles 331 et 332 du même Code, du principe de l’oralité des débats et des droits de la défense :
” en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que “ le président a donné lecture des dépositions de témoins non cités ni dénoncés et non appelés à déposer devant la Cour, s’agissant du personnel de casinos ou de jeux d’argent “ ; ” alors, d’une part, que la Cour de Cassation doit être en mesure d’assurer son contrôle tant sur le respect du principe de l’oralité des débats que sur les lectures de pièces faisant exception à ce principe ; qu’il en résulte que lorsque sont lues des dépositions à l’audience, le nom des auteurs de ces dépositions doit être mentionné de façon que la Cour de Cassation puisse être à même d’exercer son contrôle ; que tel n’étant pas le cas en l’espèce, la nullité de la procédure est encourue ; ” alors, d’autre part, qu’aucune disposition légale n’interdit l’audition orale en tant que témoin, ou en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, de personnes appartenant “ au personnel de casinos de jeux d’argent “ ; qu’en se bornant à lire des dépositions de telles personnes au prétexte erroné en droit que celles-ci ne pourraient pas être entendues devant la cour d’assises, le président a violé les textes et principes précités “ ;

Attendu que le procès-verbal des débats relate qu’après l’audition de la partie civile Christian A..., le président a donné lecture de dépositions de témoins, non cités ni dénoncés et non appelés à déposer devant la Cour, appartenant au personnel de “ casinos de jeux d’argent “ ;
Attendu qu’en procédant ainsi, le président a fait un usage régulier de son pouvoir discrétionnaire ;
Qu’il n’importe que le nom de ces personnes n’ait pas été précisé, dès lors que les mentions de ce procès-verbal, qui font foi jusqu’à inscription de faux, suffisent à établir qu’elles n’étaient pas acquises aux débats, leur profession étant sans incidence sur la décision prise ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 348, 349, 364 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
” en ce que les questions principales, auxquelles il a été répondu affirmativement par la Cour et le jury, n’ont fait l’objet d’aucune traduction à l’accusé, qui ne parlait pas le français, et qui n’était pas capable de les comprendre dès lors qu’il résulte du procès-verbal des débats qu’une question subsidiaire lui a été traduite ; que les droits de la défense ont ainsi été méconnus “ ;

Attendu que le procès-verbal constate qu’après avoir poursuivi l’interrogatoire de l’accusé et reçu ses déclarations sur les faits énoncés par l’arrêt de renvoi, le président a indiqué qu’il poserait d’office, comme résultant des débats, une question subsidiaire n° 4 dont il a donné lecture intégrale et dont la traduction a été immédiatement faite à l’accusé par l’interprète, qui a prêté son concours pendant tout le cours des débats chaque fois que cela a été nécessaire ; qu’aucune réclamation ni observation n’a été formulée par les parties sur cette question subsidiaire ;
Que le procès-verbal mentionne en outre qu’ultérieurement, les débats étant terminés, le président a lu les questions auxquelles la Cour et le jury auraient à répondre, y compris la question n° 4 posée d’office dont la traduction a été faite à nouveau à l’accusé ;
Attendu qu’en l’état de ces mentions, d’où il résulte que ni l’accusé ni ses conseils n’ont, comme le permet l’article 352 du Code de procédure pénale, élevé un incident contentieux au sujet des questions, aucune atteinte n’a été portée aux droits de la défense ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 328, alinéa 2, 348, 351, 355 à 365 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence :
” en ce que le formulaire prérédigé de la feuille des questions porte la mention dactylographiée suivante : “ en conséquence des réponses ci-dessus posées, la Cour et le jury réunis en salle des délibérations sans désemparer statuant sur l’application de la peine après avoir délibéré et voté conformément à la loi à la majorité absolue, faisant application des articles... “, le restant étant manuscrit ;
” alors que pareille mention dactylographiée anticipe sur la décision de condamnation manuscrite figurant au pied de la feuille des questions établie par le président et constitue nécessairement de la part de ce dernier une manifestation d’opinion prohibée sur la culpabilité de l’accusé “ ;

Attendu que la feuille des questions auxquelles la Cour et le jury ont eu à répondre comporte, après l’énoncé de ces questions, la mention prérédigée : “ En conséquence des réponses aux questions ci-dessus posées, la Cour et le jury réunis en salle des délibérations sans désemparer statuant sur l’application de la peine, après en avoir délibéré et voté conformément à la loi, à la majorité absolue, faisant application des articles... “, la suite étant manuscrite ;
Attendu que si cette mention est l’oeuvre du président, elle ne constitue aucune manifestation publique d’opinion sur la culpabilité de l’accusé, seule prohibée par l’article 328 du Code de procédure pénale ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 231, 347, 348, 350, 351 du Code de procédure pénale, 7, 18, 295, 304 et 463 du Code pénal,
défaut de motifs :
” en ce que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n° s 1, 2 et 3 censées exprimer la substance de l’accusation et ont, en conséquence, condamné l’accusé ;
” alors qu’en l’état du silence total du dispositif de l’arrêt de renvoi sur la cause et la nature de l’accusation, laquelle doit en conséquence être réputée juridiquement inexistante,
indépendamment de toute autre considération, les questions nos 1 à 3, même posées à l’issue des débats, ne sauraient avoir purgé l’accusation ; qu’ainsi la condamnation de l’accusé est dénuée de support légal “ ;

Attendu que l’arrêt de renvoi, après avoir exposé les faits, énonce que la procédure est complète, qu’elle est également régulière et qu’il en résulte charges suffisantes contre Omar X... d’avoir à Mougins, le 23 juin 1991, en tout cas dans le département des Alpes-Maritimes et depuis moins de dix ans, volontairement donné la mort à Ghislaine B..., veuve C..., crime prévu et réprimé par les articles 295 et 304 du Code pénal ;
Que l’arrêt, pour ces motifs, prononce la mise en accusation de X... et le renvoie devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes pour y être jugé suivant la loi ;
Attendu que sur cette accusation, trois questions ont été posées, interrogeant successivement la Cour et le jury sur le point de savoir si X... était coupable d’avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait sur la personne de Ghislaine B..., si les coups ou violences ou voies de fait ainsi spécifiés ont entraîné la mort de la victime, enfin si ces faits ont été commis par X... avec l’intention de donner la mort ;
Que, dès lors, contrairement à ce qui est allégué, l’accusation a été précisée par l’arrêt de renvoi, devenu définitif après qu’il eut été donné acte, le 27 juillet 1993, à X... de son désistement du pourvoi qu’il avait formé contre cette décision ;
Qu’en répondant par l’affirmative aux questions posées, l’accusation a été purgée dans sa totalité ;
D’où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 364 et 365 du Code de procédure pénale, 376 et 377 du même Code :
” en ce que la feuille des questions n’est pas datée ;
” alors que ce document est un acte authentique et que, comme tout acte authentique, il doit comporter une date ; qu’à défaut, il est nul, comme la condamnation prononcée “ ;

Attendu que l’article 364 du Code de procédure pénale, qui règle la forme de la déclaration de la Cour et du jury, n’exige pas que celle-ci soit datée ; que le procès-verbal des débats et l’arrêt de condamnation suppléent d’une manière authentique à cette constatation et la rendent inutile ; que l’absence de date sur la feuille de questions ne saurait par conséquent donner ouverture à cassation ;
D’où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu qu’aucun moyen n’est produit contre l’arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ; REJETTE les pourvois.
Publication : Bulletin criminel 1995 N° 97 p. 242

Georges Cenci

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