Encore une erreur judiciaire, une !
Publié le mardi 21 juin 2011, 08:12 - modifié le 22/06/11 - Web-O-Scope - Lien permanent
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Le 19 juin 2011
Article de Samuel Huet
Eh bien, il y avait longtemps qu'on ne nous avait pas refait le coup. Le coup de l'erreur judiciaire, de l'enquête de police bâclée, des droits de la défense bafoués, etc. etc. Naturellement, j'en passe, et des meilleures. Comme l'on sait, les assassins ont de banales têtes d'honnêtes gens, mais sont de plus doués d'un culot à toute épreuve.
On se souvient ainsi du dénommé Patrick Henry qui, non content d'avoir étranglé le petit Philippe Bertrand (en 1976), avait osé déclarer, face aux caméras, "ceux qui ont fait cela méritent la peine de mort".
Plus près de nous, en 2003, Le Parisien avait été bluffé par "l'incroyable aplomb de David Hotyat", qui, face à la caméra de "Sept à huit", avait calmement affirmé, "soit c'est lui qui est parti, soit ce sont des gens qui l'ont... Vous savez, quand vous avez tout perdu... C'était un arnaqueur. Moi s'il me cherche, je me laisserai pas faire, je le collerai au mur". Quel cynisme, en effet, de la part d'un individu qui fut peu après confondu : il avait assassiné tous les membres de la famille Flactif, puis avait brûlé leurs corps !
Et qu'on me permette de rappeler la larmoyante comédie du patriarche de la Grand'Terre, pleurant sur l'épaule d'un ami, en déclarant à un journaliste, "j'en ai assez, pourvu qu'ils trouvent rapidement l'assassin, car je n'en peux plus" (cité d'après le quotidien communiste La Marseillaise d'août 1952)…
À ce sujet, on se souvient justement que les auteurs de "l'Affaire Dominici" avaient réalisé à l'automne 2003 une affaire, justement, particulièrement juteuse (plus de 50 % de parts de marché), qui devait, c'est humain, donner des idées à d'autres justiciers médiatiques ; avec des fortunes diverses, jusqu'au flop encaissé en 2006 par "l'Affaire Grégory" (aux alentours de 19 % de parts de marché). Ce qui n'a pas empêché d'autres tentatives de se faire jour : les justiciers médiatiques poussent comme champignons lors des pluvieux automnes.
Cette fois, c'est avec la grosse caisse médiatique habituelle, et les puissants moyens du cinéma, qu'on veut nous faire avaler que Omar ne m'a pas tuer.
En effet, après toutes les ficelles usées jusqu'à la corde, mais toujours efficaces, utilisées par le sinistre Vergès (l'appel accusateur à Zola et à Dreyfus marche toujours, dans les chaumières, surtout celles où l'on ne sait strictement rien de l'imbroglio autour du malheureux Capitaine), on en vient aux bonnes vieilles recettes : le dénigrement des enquêteurs (l'enquête est toujours bâclée, cela va se soi) et les insultes lancées à l'adresse des parties civiles. Et ceci pour qu'enfin paraisse l'archange Omar, tel qu'en son immaculée blancheur Roschdy Zem le campe. Interviews à gogo dans tous les journaux, sempiternelles protestations d'innocence de l'un, affirmations péremptoires de profonde connaissance du dossier de l'autre (défense de rire)... rien ne manque pour faire de ce nouveau film un succès. Un succès pour faire appel à la justice populaire, qui naturellement ne pourra que blanchir le pauvre jardinier. En dépit de toutes les voies de recours qui se sont soldées, comme de juste, par des impasses. Et des impasses sacrément motivées, voir les attendus de la Commission de Révision. Bref, on veut nous refaire le coup monté par le tandem Boutron-Reymond, à propos de la tragédie de Lurs.
Ce qui me choque au tout premier chef, ce n'est pas qu'un acteur moyen, issu de l'immigration comme on dit, s'essaie à tourner des images. C'est qu'un académicien de rencontre (qu'avez-vous lu de lui ?), vienne pérorer sur l'Heure du Crime, affirmant fièrement que son livre-plaidoyer en faveur du condamné vient d'être réédité "à la virgule près". Sauf qu'il a été sévèrement, et à plusieurs reprises, condamné pour cet écrit. Voilà ce qui s'appelle respecter les décisions de justice, ou je ne m'y connais pas...
Bon public, est-ce qu'ils t'auront, encore une fois ? Vas-tu croire, toi aussi, qu'il s'agit d'un "film coup de poing, aussi éprouvant que passionnant", tourné d'après "le livre-enquête de Jean-Marie Rouart" (ces phrases-chocs, je les tire de la dernière livraison de version Fémina). La réalité, là encore, est beaucoup plus terre à terre, hélas. Ce n'est pas la comédie d'un Vergès exigeant pour son client un interprète, un interprète pour un jeune qui comprend et parle notre langue presque comme un immigré de la seconde génération.
Alors, pour ne pas vous laisser bourrer le crâne, reprenez donc l'ouvrage du Directeur d'enquête, l'alors Capitaine Cenci (Omar l'a tuée, vérité et manipulations d'opinions, chez l'Harmattan, 2003), et puis courez prendre connaissance de Affaire Raddad, le vrai coupable (l'Archipel, 2011) écrit par un journaliste digne de ce nom (Guy Hugnet) - qui a étudié le dossier, lui : il s'agit de deux indispensables contrepoisons.
De plus, s'agissant de cette dernière parution, c'est un véritable régal avec, entre autres les portraits de tous les "justiciers" qui sont intervenus pour soutenir le pauvre jardinier. Je conseille ce qui est dit sur Rouart. C'est plus que savoureux : infiniment éclairant. Pour ne rien dire de la comparaison, tellement parlante, des deux témoignages d'un certain Salam El Ouaer : recueillis, l'un, par la Gendarmerie, l'autre, sept ans plus tard, par un prétendu enquêteur privé…
Après, si vous voulez aller au cinéma, pourquoi pas ? Mais la lumière, je vous prie, avant les salles obscures !
(Avec l'aimable autorisation de son auteur)
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